Il est parfois difficile de garder l’espoir.
Il y a environ 15 ans j’ai entrepris un chemin de libération, où chaque rencontre, chaque guide, chaque livre a semé des graines qui portent enfin leurs fruits. Et je m’expose maintenant : je propose ces fruits à mon tour et leurs graines pour développer l’autonomie.
Sauf que très peu de gens sont prêts à les goûter. Ils semblent pourtant appétissants aux yeux de certains, ils sont même bons quand les plus aventureux goûtent un morceau ; mais je comprends qu’il y a d’autres priorités : le pain, la viande, les légumes.
« S’il reste un peu d’argent, s’il reste un peu de temps, nous viendrons peut-être en acheter. »
Pourtant, aujourd’hui, après tout ce chemin, je crois profondément que ces fruits sont essentiels parce qu’ils ramènent à cette époque où seul le moment présent existait : l’enfance, synonyme d’émerveillement, de douceur, de lâcher-prise…
Mais il me semble qu’en tant qu’adultes, nous nous autorisons très peu l’accès à la douceur, à l’émerveillement, au lâcher-prise. Et si nous le faisons, la culpabilité n’est jamais très loin…
Nous sommes pris dans nos devoirs, nos responsabilités, notre quotidien et l’anticipation de l’avenir.
Nous sommes pris aussi dans des émotions peu agréables que le système entretient : la peur, la jalousie, la convoitise, la rancœur, la colère, la haine…
Ces émotions nous mettent, de par leur nature, dans des mouvements de recul, de retrait, de rejet, d’attaque… et cela s’auto-alimente, comme un hamster lancé dans une roue qui ne sait plus ralentir, qui n’ose pas s’en échapper.
Notre capacité à raisonner, à prendre du recul, à appuyer sur le bouton « stop » de la roue est court-circuitée par ces émotions, ces décharges d’hormones et de stress.
Il devient même difficile de demander de l’aide : « qui pourrait m’aider dans de tels tourments ? qui pourrait prétendre avoir des solutions à mes problèmes, aux problèmes de la société ? »
Oui, je reconnais qu’il peut y avoir de l’appréhension, de la méfiance vis à vis d’une main tendue, proposant son aide. Je reconnais que cela demande de la confiance de se tourner vers quelqu’un.
J’entends parler de courage à oser aller vers l’autre. Parfois il s’agit « seulement » de survie.
Cette survie qui nous rappelle la fragilité de notre existence tout autant que notre socle d’être vivant. Nous sommes finalement des animaux complexes, mais des animaux.
Ce qui nous distingue des autres espèces, et qui, individuellement et en groupe, nous rend plus fort, c’est notre capacité à rêver : notre espoir.

Se tourner vers la lumière, relever la tête pour mieux respirer, pour s’ouvrir et s’élever.
Voyager sur ce chemin intérieur qui mène à ce lac profond de la Joie, avec douceur et amour, voilà ce que j’essaye de pratiquer au quotidien pour moi-même et ce que je souhaite offrir en partage.
Alors je garde espoir, malgré tout.
L’espoir, c’est être capable de voir la lumière en dépit de l’obscurité.
Desmond Tutu